Youssef Cassis et Eric Bussière (dir.),
Cet ouvrage est le
résultat de la
troisième conférence anglo-française d’histoire
des entreprises, tenue à
L’ouvrage
témoigne des similarités
mais aussi des différences entre les thèmes
étudiés pour des époques et des
places financières différentes. Ainsi, la deuxième
partie intitulée « Golden
Age » (sur les années 1890-1914), s’ouvre sur le
thème de l’impérialisme. L’article
de Niall Ferguson suggère que l'impérialisme britannique
eut un rôle dans le
comportement des financiers plus important qu'il n'est aujourd'hui
généralement
accepté. Les prêts britanniques privilégiaient les
colonies, en particulier en
termes de taux d'intérêt. La comparaison
détaillée des prises de contrôle des
finances égyptiennes et ottomanes, qui ne
s'accompagnèrent d'un véritable
contrôle politique que dans le premier cas, montre l'impact
financier de la colonisation:
en Egypte,
Dans l’article
suivant, Marc
Flandreau et François Galice étudient les Grands Livres
de Paribas pour
comprendre à partir d’un exemple particulier les
mécanismes des relations
monétaires internationales entre 1885 et 1914, dans la
lignée des questions
macroéconomiques soulevées par Bloomfield voici quarante
ans. Leur source
montre la forte croissance des dépôts étrangers et
à l'étranger comme des prêts
à court terme. Ils suggèrent que les pays
« centre » (Angleterre,
mais aussi France, Allemagne et Etats-Unis) pouvaient emprunter (en
recevant
des dépôts) dans leur propre monnaie, ce qui était
impossible aux pays périphériques.
Ils spéculent sur un mécanisme d'ajustement dans lequel
les banques
londoniennes auraient servi de réserve de liquidité aux
détenteurs de balance
sterling, conduisant en cas de manque de liquidité à un
ajustement par les
banques centrales (en particulier
Malheureusement, les parties suivantes manquent de réflexions comparables sur les conséquences sur les pays emprunteurs de la centralisation des pouvoirs de décision à Londres (et à New-York) depuis les années 1960, sur les liens entre ces décisions et certaines formes de néocolonialisme, et sur les conséquences en termes de stabilité monétaire et financière des rapports centre-périphérie.
L’ouvrage est
dominé par
l’histoire des banques, qui jouent naturellement un rôle central
dans les
grandes places financières. Youssef Cassis offre ainsi un
panorama rapide du
système bancaire londonien avant 1914. Il en décrit la
spécialisation et les
formes de renouvellement, dominées par la montée en
puissance des sociétés par
actions au sein des clearing banks
grâce à des fusions. Il évalue la concurrence dans
chaque groupe et entre
groupes, insistant principalement sur l'impact de la politique de
diversification des clearing banks,
mais aussi sur le poids, déjà, des banques
étrangères dans les activités
internationales (en premier lieu les acceptations). Hubert Bonin
présente une
synthèse de l'évolution du marché parisien entre
1914 et 1958 du point de vue
de la compétitivité internationale des firmes bancaires
et financières
françaises, en particulier de leurs efforts d'expansion
internationale comme de
leur résistance à l'entrée de concurrents
étrangers sur le marché français. Mae
Baker et Michael Collins analysent la renaissance de Londres
après 1950 à
partir de l’implantation des banques étrangères dans
Les marchés boursiers sont moins directement analysés et comparés. L’organisation boursière n’est pas évoquée, ni ses acteurs spécifiques : brokers, jobbers, agents de change ou coulissiers. Les grands investisseurs (compagnies d’assurance-vie hier, fonds de placement aujourd’hui) ne sont presque pas évoqués, alors que la centralisation de leur activité contribue certainement au pouvoir des places financières parisienne et surtout londonienne, où ils ne sont pas des acteurs marginaux. Néanmoins, les marchés financiers sont bien présents, et le livre contribue à une meilleure compréhension de leur fonctionnement. C’est le cas en particulier du chapitre de Samir Saul qui étudie de manière détaillée la formation des syndicats d'émission de titres étrangers en France entre 1890 et 1914. Il montre le poids dominant des banques françaises par actions, la stabilité des alliances qui les lient (banques d'affaires et banques de dépôts en particulier), et la quasi-absence, sauf intervention politique, de banques étrangères dans ces opérations, tous signes d'une place financière dominante. Les marchés financiers sont aussi étudiés dans les articles d’Olivier Feiertag ou d’Eric Bussière, même si leurs enjeux sont principalement ailleurs.
<>Olivier Feiertag étudie la faible - mais par moments non négligeable - activité internationale de la bourse de Paris entre 1950 et 1980, et montre à partir de diverses archives qu'elle résulte d'une volonté commune des agents privés (surtout les banques) et publics (le Trésor) d'éviter la concurrence internationale, et de leur foi commune dans la quasi-autarcie financière nationale. A l’opposé, Eric Bussière examine à partir des archives du Crédit lyonnais et de Paribas le rapide développement de leur activité d’émission de titres internationaux dans les années 1960. Il montre l’hésitation de ces banques entre une stratégie de « grand large » et une stratégie d’alliance continentale, et comment cette dernière fut freinée par les restrictions imposées par le gouvernement français à des émissions étrangères en France. Il conclut sur le rôle de cette activité internationale dans la réintroduction de la concurrence et de l’innovation dans le système financier français.
Quelques articles,
enfin, parviennent
à synthétiser les transformations majeures d’une place.
C’est en particulier le
cas de celui de Philip Cottrell, qui ouvre la troisième partie
(sur le repli
régional) par une présentation dense et
synthétique du rôle de place financière
internationale de Londres de 1914 à 1958. Il insiste d'abord sur
les multiples
impacts de la première guerre mondiale; il soutient que les
banques
britanniques retrouvèrent rapidement une position internationale
dominante
malgré la montée en force américaine, les erreurs
stratégiques en Europe
centrale et les restrictions mises par
Il est significatif qu’alors même que l’Etat britannique intervint également fortement dans l’activité financière (nationale) jusqu’aux années 1970, aucun spécialiste de la place de Londres n’utilise la distinction hicksienne entre "overdraft economy" et "financial market economy" à laquelle se réfère André Straus (comme plus haut O. Feiertag) pour proposer dans le dernier chapitre une chronologie d'ensemble de l'histoire du marché parisien et une réflexion sur son avenir dans la perspective de l'intégration européenne. Si cet effort d’introduction d’une réflexion principalement macroéconomique est bienvenu dans un ouvrage peu porté sur cette dimension, il reste trop isolé et rapide pour fournir le rééquilibrage nécessaire.
<>