Youssef Cassis, Les Capitales du Capital. Histoire des places financières internationales, 1780-2005, Genève : Slatkine, 2006, 453p. Publié simultanément en traduction anglaise (par Jacqueline Collier) par Cambrige University Press.
Compte-rendu pour Annales. Histoire, sciences sociales
par Pierre-Cyrille Hautcoeur
Cet ouvrage,
publié grâce au
soutien de
L’ouvrage porte sur les places financières les plus importantes à l’échelle mondiale, et non exclusivement (à la différence de l’ouvrage co-dirigé par l’auteur et Eric Bussière et recensé précédemment) sur l’activité internationale des places financières. Il est organisé de manière principalement chronologique, secondairement par place et par thème. Ainsi, la première partie sur « l’ère des banquiers privés, 1780-1840 » comporte-t-elle des chapitres successifs sur Amsterdam, Londres, Paris, puis les « places secondaires » allemandes, belges et suisses. Le caractère un peu répétitif de ce mode d’organisation est réduit par des chapitres plus thématiques qui introduisent les principales transformations économiques et financières propres à chaque période. Ainsi, la deuxième partie « la concentration du capital, 1840-1875 » s’ouvre par deux chapitres portant respectivement sur « la révolution bancaire » et sur « l’aventure des chemins de fer ».
L’auteur est à
son meilleur sur
la période à laquelle il a consacré de nombreux
travaux, à savoir
Les parties suivantes ne bénéficient pas d’une description ni d’une analyse aussi détaillée, et manquent également un peu de mise en perspective économique, et plus encore sociale et politique (comme en témoigne la brièveté des chapitres sur les deux guerres mondiales). Néanmoins, le chapitre sur le développement des euromarchés indique bien leur caractère novateur et déstabilisateur de l’organisation économique de l’après-guerre. C’est aussi le cas du chapitre sur la mondialisation, même s’il souligne avant tout les aspects techniques du phénomène.
On ne saurait évidemment discuter ici l’ensemble des affirmations de l’auteur, qui témoigne en général d’une grande modération sur la plupart des sujets controversés. On peut en revanche regretter que de son point de vue surplombant et avec le recul qui est le sien, il ne cherche pas à répondre à d’autres questions d’ensemble. Celle qui ouvre (et qui occupe) la conclusion, « comment expliquer l’essor et le déclin des places financières internationales ? » ne lui donne guère l’occasion de renouveler les analyses existantes (apparaissent ainsi comme causes d’essor « la stabilité des institutions politiques ; la solidité de la monnaie ; l’existence d’une épargne suffisante », etc.). On aurait aimé, par exemple, qu’il évalue les gains et les coûts d’une place financière (ou de son absence) pour une économie nationale, pour les diverses catégories sociales de la ville qui l’héberge ; qu’il s’interroge à l’expérience de l’histoire sur les conséquences de la hiérarchisation financière à l’échelle internationale, sur ses origines et ses alternatives éventuelles. Des éléments de réponse figurent ici ou là, mais l’auteur semble trop fasciné par son sujet pour s’y aventurer. Ces lacunes reflètent celles d’une recherche qui doit encore être étoffée, et à laquelle cet ouvrage fournira en tout état de cause une très utile introduction synthétique.